EPIPHANIE 2015
La fête de l’Epiphanie nous propose comme chaque année de contempler la royauté universelle de Jésus-Christ. Toute l’humanité est invitée à se laisser illuminer par la lumière divine manifestée dans notre monde, dans notre chair humaine.
Dimanche dernier, nous entendions la prophétie du vieillard Syméon adressée à Marie : « Voici que cet enfant provoquera la chute et le relèvement de beaucoup en Israël. Il sera un signe de contradiction. »
L’Evangile de ce jour manifeste l’antagonisme que suscite la naissance du Messie.
Lorsqu’ Hérode et les habitants de Jérusalem apprennent des mages venus d’Orient la naissance du roi des juifs, ils sont bouleversés. Lorsque les chefs religieux sont interrogés par le roi Hérode sur le lieu où le Messie doit naître, ils trouvent réponse dans les Saintes Ecritures sans pour autant se mettre en route et vérifier que les Ecritures s’accomplissent.
Ces attitudes traduisent bien l’itinéraire inhérent à la foi. Pour reconnaitre la présence de Dieu en cet enfant, hier comme aujourd’hui, il est nécessaire de quitter une autorité suffisante, une expression toute puissante de l’homme qui se complait dans un orgueil égocentré, et bien sûr les plus menacés par cette complaisance sont ceux qui détiennent une autorité temporelle et spirituelle.
Notre pape François, en adressant ses vœux aux membres de la curie romaine le 22 décembre dernier, a convié chacun des cardinaux à un « vrai examen de conscience », car le manque d’autocritique au sein de la Curie révèle une « pathologie du pouvoir ». Le Saint Père énumère quinze maladie qui menacent le haut clergé et traduisent une infidélité à l’Evangile de Jésus-Christ. Le diagnostic de notre pape est sévère et argumenté de formules chocs : « Fossilisation mentale et spirituelle, narcissisme faux, rivalités pour la gloire…. »
Les mages et les bergers, en se laissant guider par des signes célestes, répondent humblement à l’appel de Dieu et se prosternent devant l’enfant pour l’honorer et l’adorer. Hérode, roi de Judée, ainsi que les responsables religieux officiant à Jérusalem craignent pour leur autorité temporelle et refusent ainsi de reconnaitre l’autorité divine qui inspire tout gouvernement en ce monde. Notre pape François rappellera aux évêques et aux cardinaux la nécessité de laisser l’Esprit Saint inspirer leurs actions.
Les rois mages, dans leur hommage à l’enfant Messie, lui apportent des présents : l’or, l’encens et la myrrhe.
L’or symbolise la royauté. Le roi est le souverain dont les fonctions sont de gouverner avec justice, de prendre soin de ses sujets et de lui-même avec sagesse. A l’occasion de la célébration d’un baptême, le nouveau baptisé devient prêtre, roi et prophète. Il reçoit donc la capacité de gouverner avec sagesse, au nom de Dieu, sa propre vie et celle de ceux qui lui sont confiées. Chacun de nous est appelé à exercer ce gouvernement dans sa propre vie et ainsi choisir avec discernement et en vérité ce qui peut le rendre heureux dans une communion fraternelles et de service avec les autres. La tyrannie sous toutes ses formes est exclue d’un gouvernement royal !
L’encens nous renvoie à la fonction sacerdotale et sacrificielle : « Que ma prière devant toi s’élève comme un encens, et mes mains, comme l’offrande du soir. » (Psaume 140). Comme je l’ai précisé, chaque baptisé est aussi prêtre, il s’agit du sacerdoce commun des fidèles. Le prêtre est l’être humain qui offre des sacrifices. Que devons-nous sacrifier sinon notre propension à vivre centré sur nous-mêmes, dans un auto-référencement dictatorial et tout-puissant, sans relation à Dieu ni aux autres.
La myrrhe symbolise le grand sacerdotal. Je m’explique : ce baume précieux, produit à partir d’une résine rouge, était utilisé pour les parfums des noces et pour les ensevelissements. Dans le film « The Nativity », l’un des rois mages, en déposant son coffret devant Jésus, lui dira : « De la myrrhe pour honorer ton sacrifice ». Ce présent est le signe du sacrifice de Jésus, le don total qu’il fera de lui-même par amour pour toute l’humanité, pour chacun d’entre nous. Il est le grand prêtre parfait, l’unique grand prêtre. L’épitre aux hébreux insistera sur cette dimension : « Le Christ est venu, grand prêtre des biens à venir. Par la tente plus grande et plus parfaite, celle qui n’est pas œuvre de mains humaines et n’appartient pas à cette création. Il est entré une fois pour toutes dans le sanctuaire, en répandant, non pas le sang de boucs et de jeunes taureaux, mais son propre sang. De cette manière, il a obtenu une libération définitive. »
Pour que nous puissions nous aussi participer à cette dimension du grand sacerdotal messianique, propre au Fils de Dieu, il nous est nécessaire de la recevoir du Christ : il est l’unique grand prêtre, en prenant notre humanité il nous rend participant de sa divinité et donc de sa résurrection. Jésus est devenu le grand prêtre parfait en traversant la mort par sa passion et en ressuscitant.
Nous ne pourrons jamais aimer comme le Christ nous a aimés. Notre sacerdoce, l’offrande d’encens que nous faisons de nous-mêmes demeurera toujours imparfaite, incomplète. Nous apportons le pain et le vin sur l’autel « fruits de la terre, de la vigne et du travail des hommes », mais nos offrandes doivent être sanctifiées sur l’autel par la mort et la résurrection du Christ, donc par le grand prêtre, celui qui reçoit la myrrhe. C’est pourquoi nous célébrons tous les dimanches le repas messianique de l’Eucharistie, communion au corps et au sang du Christ vivant et ressuscité : « Heureux les invités aux noces de l’Agneau ». La myrrhe, parfum utilisé pour les noces et des ensevelissements… Noce où l’épouse, l’Eglise et tous les chrétiens, rencontre l’Epoux, le Christ.
En résumé, nous pourrions définir ce qui correspond à une nature humaine accomplie, donc à l’homme et la femme créés à l’image de Dieu, par les trois dimensions précédemment citées : pour être vraiment humain en ce monde, nous devons être roi (en capacité de décider et de gouverner notre vie), prêtre (en sacrifiant notre moi-égo pour entrer dans notre soi, notre être de communion vrai, profond et relationnel) et grand prêtre (Jésus, homme et Dieu, nous rend participant de sa résurrection).
Notre nature humaine accomplie nous permettra alors d’éprouver cette très grande joie que ressentirent les rois mages en voyant l’étoile s’arrêter au dessus de l’endroit où reposait l’enfant, cette même grande joie qu’éprouveront les saintes femmes après l’annonce de l’ange que Jésus est vivant, ressuscité, le tombeau est vide. Cette joie que nul ne pourra vous enlever et qui vous fera reprendre votre route terrestre par un autre chemin, comme les rois mages après leur rencontre avec Jésus. Hérode et toutes les puissances de mort d’hier et de demain sont vaincues, si nous accueillons humblement le don de Dieu.
Père Eric Juretig